A-t-on encore besoin de la friche ? Trois préconceptions en question pour renouveler la pensée et l’agir du vague urbain

La multiplication des études portant sur les friches permet de constater une forme d’homogénéisation des discours de défense des espaces vides en occident. Cette communication interroge les risques de cette homogénéisation pour les luttes locales et plus généralement pour la compréhension de la pluralité sociale et culturelle de ces lieux au-delà de leur seul statut de friche. Partant du cadre conceptuel des études de lieux (Tuan 1977, 97), d’une enquête ethnographique sur le Champ des Possibles (Montréal) et de 23 entretiens auprès d’usagers impliqués dans ce lieu, je m’emploierai à questionner quatre préconceptions portées sur les friches. La critique portera sur ces préconceptions telles qu’elles ont été articulées par Sergio Lopez-Pineiro (2019) sur base de la littérature de référence sur les friches et terrains vagues. Celui-ci définit notamment les friches comme (1) des espaces « autres », dissociés de la fabrique urbaine usuelle ; (2) des lieux aux frontières indéterminées et indéterminables ; (3) des espaces dépourvus de nom et devant le rester pour conserver cette indétermination ; (4) des espaces n’appartenant à personne. L’analyse de l’histoire sociale et matérielle du Champ des Possibles, des imaginaires qui le peuplent et des propos des groupes s’y attachant permettra ainsi de montrer la tension qui existe entre ces grandes affirmations et la réalité vécue des lieux. Plus encore, en tant que friche préservée en suite d’une mobilisation citoyenne et site de l’institutionnalisation montréalaise de la défense des friches, je tenterai de montrer comment ces présupposés percolent dans le sens commun et contribuent à l’effacement de vécus et d’imaginaires locaux au profit de grands narratifs abstraits participant d’un monde globalisé.Cette communication questionne donc l’homogénéisation des discours sur la friche et l’actualité de cette notion face à la richesse des vécus et imaginaires qui s’y déploient au-delà du seul temps d’abandon. Partant du contexte d’une victoire symbolique du milieu de la défense des friches montréalaises (McSwiney, Michaud 2012 ; Dominique 2020), je propose de questionner cette notion pour en tirer des perspectives pour l’avenir des luttes voisines de Hochelaga.